PLINE LE JEUNE

PLINE LE JEUNE
PLINE LE JEUNE

Le renom de Pline le Jeune est dû à sa correspondance. Ses lettres à Trajan, dont il fut l’un des hauts fonctionnaires, sont, avec les réponses de l’empereur, un bon document sur les méthodes de l’administration impériale. Moins spontanée que celle de Cicéron, sa correspondance privée compose une sorte de journal de sa vie où se mêlent aux détails quotidiens l’éloquence, l’essai philosophique, ou de morale stoïcienne le tout dans une langue élégante et d’une agréable lecture.

Une carrière sénatoriale

Fils d’un notable de Côme, où il naquit, Pline le Jeune s’appelait, à sa naissance, C. Caecilius Secundus, mais il perdit son père de bonne heure et fut adopté par son oncle maternel, celui que nous appelons Pline l’Ancien. Il prit alors le nom de C. Plinius Caecilius Secundus. Plusieurs inscriptions conservées, dont une autrefois à Côme, permettent de reconstituer sans trop de mal sa carrière, et les détails sur lui-même que contient sa grande œuvre, la Correspondance , comblent les lacunes. Pline fit une carrière sénatoriale. Dans son adolescence, il avait été un très brillant élève, au point de composer à quinze ans une tragédie grecque. Il suivit l’enseignement des rhéteurs, notamment celui de Quintilien, et fut, en philosophie, l’auditeur du stoïcien Musonius. La première apparition en public du jeune homme dans une activité officielle fut un plaidoyer qu’il prononça, à dix-neuf ans, devant le tribunal des Centumvirs. Parallèlement, il exerçait les magistratures préliminaires de rigueur et satisfaisait au service militaire. C’est ainsi qu’il fut tribun militaire en Syrie. À ce moment, Domitien est maître de l’Empire. Alors que d’autres refusent de collaborer avec le «tyran», Pline poursuit une carrière rapide. Questeur en 89, il est attaché à la personne de l’empereur. Deux ans plus tard, il devient tribun de la plèbe et, en 93, il exerce la préture. Après quoi il fut nommé intendant du trésor militaire. À cette époque, Domitien, en face d’une opposition sénatoriale de plus en plus forte, tenta de la briser par la terreur; Pline vit mourir autour de lui les sénateurs les plus influents, qui étaient aussi ses amis. Peut-être aurait-il été lui-même victime de Domitien si celui-ci n’avait été assassiné. Il se rallia tout de suite au régime nouveau, mais Trajan lui fit attendre le consulat pendant sept ans; cette charge lui fut attribuée pour l’année 100. Au Sénat, il était l’un des orateurs les plus écoutés. En 103, il fut coopté par le collège des augures et, en 105, il était curator aluei Tiberis , chargé d’entretenir le lit du Tibre et de prévenir les innondations. Vers 111, il fut désigné comme gouverneur de la province de Bithynie, et il resta au moins deux ans dans ces fonctions. Il avait le titre de legatus de l’empereur, mais possédait le pouvoir proconsulaire – situation juridique ambiguë, qui indique que Trajan l’avait investi d’une mission spéciale, sans doute le soin de remettre de l’ordre dans un pays troublé par une mauvaise administration. Cette situation particulière explique sans doute le soin pris par Pline de tenir Trajan au courant des moindres événements et de lui demander conseil. Cette correspondance avec Trajan, avec les réponses de l’empereur, forme un bon document sur les méthodes de l’administration impériale. On y voit, en particulier, comment se posait, dans une province orientale, le problème des chrétiens. La correspondance s’arrête avec l’année 113 et le rappel de Pline. On ignore où et quand il mourut.

Pline est le représentant de la classe dirigeante au début du règne des Antonins. Il donne une image très vivante de ce qu’était la civilisation romaine à cette date: aristocratie provinciale, qui remplace la vieille aristocratie proprement romaine, décimée depuis les guerres civiles et diminuée encore par les persécutions sous les Julio-Claudiens; c’est l’avènement de l’élite italienne, qui accède à l’empire avec Vespasien. Pline est l’ami de Tacite, autre provincial, et, comme lui, grand fonctionnaire impérial.

Pline partage sa vie entre ses occupations politiques, les lettres et le soin de sa fortune, qui est considérable et comprend de nombreux grands domaines: non seulement à Côme, où ses villas dominent le lac, mais en Toscane, une grande propriété de rapport, complétée par une villa magnifique et, enfin, près de Rome, au pays des Laurentes (au sude d’Ostie), dans la forêt qui borde la mer. Ici encore, il possède une vaste villa de plaisance. Ces deux villas sont décrites par lui dans deux lettres dont les termes, à la fois précis et vagues, font le désespoir des archéologues qui essaient d’en reconstruire la maquette. Il avait aussi des propriétés de rapport dans d’autres régions de l’Italie. Le plus souvent, il habitait Rome, où le retenait l’obligation d’assister aux séances du Sénat et l’exercice de ses charges successives. L’étendue de sa fortune peut être entrevue par les libéralités testamentaires dont l’inscription de Côme nous donne le tableau et par le rappel, dans la même inscription, des libéralités effectuées de son vivant. Pline avait fondé une bibliothèque à Côme, contribué (pour un tiers) à l’entretien d’un professeur dans cette ville, construit ou restauré deux temples et obligé généreusement de nombreux amis. Tels étaient les bienfaits (beneficia ) que l’on attendait alors des puissants, et auxquels ils ne se dérobaient point.

La vie intellectuelle

L’autre grand intérêt de Pline était ce que l’on appelait «les études» c’est-à-dire, d’une manière très générale, la vie intellectuelle. Lui-même, a beaucoup écrit, mais, surtout, il a fréquenté tous les hommes d’étude qu’il a pu rencontrer: en Syrie, il recherchait la compagnie du stoïcien Euphratès; à Rome, il écoute les conférenciers de passage, il lit beaucoup, historiens et orateurs, il se perfectionne dans l’éloquence par des déclamations, écrit et récrit avec soin ses discours; il publia, par exemple, son réquisitoire contre les délateurs qui avaient perdu Helvidius Priscus; ce discours était en même temps un pamphlet politique important. Nous possédons un exemple de son éloquence: le Panégyrique de Trajan, qu’il prononça comme consul au début de l’année 100, mais il est probable que le texte que nous lisons est un remaniement qui date, peut-être, du début du règne d’Hadrien (nous sommes ici dans le domaine de l’hypothèse). L’éloquence officielle, aux phrases complexes, souvent cicéroniennes, recouvre une pensée politique très ferme. Les éloges prodiguées à l’empereur définissent un véritable programme de gouvernement et une conception très nette du régime impérial: le prince est le «plus vertueux», le plus clément, le plus généreux, etc., et il tient sa mission, de la Providence. Une critique discrète des régimes antérieurs – ce qu’il ne faut pas faire – complète le tableau.

Pline fut aussi poète; mais ses poèmes sont perdus. Il était fier d’un recueil lyrique d’Hendécasyllabes , de style apparenté à Catulle, qui lui avait coûté beaucoup de travail. Mais son œuvre principale est sa Correspondance , en dix livres (le dixième étant la correspondance avec Trajan), qu’il publia lui-même, après avoir retouché des lettres écrites à ses amis. Ces lettres sont comme le journal de sa vie, un journal qui ne serait pas totalement sincère. Les neuf livres de lettres privées contiennent deux cent quarante-sept lettres, qui traitent parfois d’incidents de la vie quotidienne et, parfois, sont de véritables dissertations, des éloges funèbres (comme la lettre sur la mort de Verginius Rufus ou sur le suicide de son ami Corellius Rufus), où Pline se révèle un moraliste stoïcisant, des descriptions dans le goût de la seconde sophistique (description d’une statuette, d’une villa, d’un paysage, comme les sources du Clitumne: la prose rivalise avec le pinceau ou le ciseau), des fragments de chronique ou des pages d’histoire (récit d’un grand procès politique, narration destinée à Tacite, comme celle de la mort de Pline l’Ancien). Parfois, nous y trouvons des portraits, parfois de simples anecdotes, traitées dans le mode ironique, comme l’histoire de cette chasse au sanglier où Pline, resté près des filets, n’eut guère comme tâche que de composer dans le loisir quelques vers. Il arrive que Pline agite avec un ami quelque question controversée, comme l’existence des spectres, ou évoque un fait divers récent. Il est significatif que cet homme, qui fut l’un des grands personnages du régime impérial, n’ait rempli sa correspondance que de menus événements ou discussions théoriques: les vrais problèmes du pouvoir n’étaient plus débattus en dehors de la maison impériale. La vieille liberté romaine avait péri, et l’on constate ici, plus nettement qu’à travers les affirmations de Tacite dans le Dialogue des orateurs , à quel point cette perte de la liberté a contribué à la décadence de la vie intellectuelle romaine.

Cette correspondance n’est pas datée; il n’est pas même sûr qu’elle respecte l’ordre chronologique. On admet, depuis Mommsen, que le premier livre date de 96-97; le second comprend les lettres écrites entre 97 et 100, le troisième des lettres de 101; le quatrième couvre la période 102-105; le cinquième est de 106; le septième de 107 et le huitième de 109. Mais tout cela est assez incertain.

Pline le Jeune
(en lat. Caius Plinius Caecilius Secundus) (61 ou 62 - v. 114) écrivain latin; neveu du préc. Consul en 100 ou 101, il fut légat impérial en Bithynie (111-112). Ses Lettres, destinées à être lues en public, nous montrent la société romaine.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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